
Propriété intellectuelle et jeux de société : une protection partielle sous conditions.
Par une décision du 20 décembre 2024 (n°22/08038), le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu l’originalité et la contrefaçon du jeu de société Juduku, exploité par la société ATM Gaming depuis 2018. Ce jeu repose sur des questions provocantes et décalées, posées dans un délai très court, incitant les participants à des réponses spontanées.
La société ATM avait assigné le développeur d’une application mobile proposant un jeu intitulé 7 secondes, qu’elle accusait de contrefaçon. Elle soutenait que les règles du jeu, le design des cartes et les questions elles-mêmes constituaient des éléments originaux protégés par le droit d’auteur. L’action était notamment motivée par la reproduction alléguée de 81 cartes, dont 57 reprises à l’identique, sur les 480 que compte le Juduku.
La complexité de la protection des jeux de société
Le tribunal a rappelé le principe fondamental selon lequel les idées ne sont pas protégeables. Il a ainsi écarté la protection des règles du jeu, considérées comme des mécanismes génériques, ainsi que celle du design des cartes, jugé banal. Toutefois, en s’appuyant sur l’arrêt Cofemel, le tribunal a reconnu que la sélection des questions, combinée au mécanisme de jeu spécifique, traduisait des choix créatifs suffisants pour constituer une œuvre originale.
Le tribunal a estimé que la reproduction quasi-identique de nombreuses questions démontrait la reprise d’une combinaison originale de caractéristiques, portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. En conséquence, la reproduction de ces éléments dans le jeu 7 secondes a été qualifiée de contrefaçon.
Une décision révélatrice des limites du droit d’auteur
Cette décision met en lumière les difficultés d’application du droit d’auteur aux œuvres conceptuelles comme les jeux de société. Si les idées et concepts restent de libre parcours, leur mise en forme spécifique, combinant des choix créatifs, peut bénéficier d’une protection. Toutefois, le raisonnement du tribunal, fondé sur l’équité, montre les limites d’une approche strictement juridique, le jugement reposant en partie sur l’importance accordée à la reproduction d’éléments jugés pourtant “banals” individuellement.
Ce cas souligne l’importance pour les créateurs de jeux de documenter et de démontrer la spécificité et l’originalité de leur travail pour assurer sa protection et se prémunir contre les risques de copie.
Pour plus de précisions : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/mise-l-epreuve-du-droit-d-auteur-par-juduku
Le Cabinet Junca & Associés, expert en propriété intellectuelle, accompagne les créateurs et éditeurs dans la défense de leurs droits.